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en terre Viking
3 mars 2009

Emportée par le tourbillon de la vie mondaine

P1030605_1_Comme vous le ne savez sans doute pas, une salle de concert (koncerthus) a vu le jour il y a peu en face de ma chambre.

Je me souviens qu’à mon arrivée à Copenhague, je m’interrogeais sur la nature de ce gros cube bleu rempli de cartons qui s’appelait DR… J’ai appris plus tard que DR n’était pas l’abréviation de docteur mais que cela signifiait Danish Radio-television, ou quelque chose qui s’approche de cette mauvaise traduction anglo-danoise, et que le gros cube n’était pas un dépotoir à vieux cartons (comme celui que j’avais eu l’occasion de voir lors de ma visite dans un site Emmaüs en Italie) mais une salle de concert dessinée par Jean Nouvel (lui-même). Entre parenthèses, pardon pour cette comparaison blasphématoire entre une déchetterie et une œuvre de l’architecte français (cocorico…) !

Maintenant que les travaux sont terminés, j’ai l’impression que le bâtiment a de l’allure, bien que l’aspect extérieur reste rudimentaire. Peut être mes yeux se sont-ils simplement habitués à la vue d’un Rubicube aux proportions monstrueuses planté devant ma fenêtre.

Le métro aérien passe à quelques mètres et, la nuit, avant de s’engouffrer dans le tunnel, on peut admirer les ombres chinoises de flûtistes ou de violoncellistes qui sont projetées sur la façade, ainsi que les cubes rouges, jaunes et blancs illuminés un peu partout de l’intérieur. Cela égaye le trajet de l’adepte des transports en commun.

P1030616_1_Néanmoins, je n’ai pas fait qu’admirer ladite koncerthus, j’y suis allée assister à un concert de Stravinsky, avec une amie, samedi après midi. Nous étions entrées dans le bâtiment simplement pour observer sa structure et pour, éventuellement, faire éclater au grand jour notre chauvinisme franco-français. Mais, en demandant s’il y avait des concerts prochainement, la femme du guichet m’a appris que non seulement il y en avait un deux heures plus tard, mais, encore mieux, pour une bouchée de pain. J’avais très envie de voir l’intérieur de la salle qui est, soit disant, dotée d’un son d’une particulière qualité, et de profiter de mon 1er concert de musique classique (juste pour passer pour une intellectuelle lors de mes prochains dîners !).

Après avoir emprunté les escalators (et s’être sentis coupables parce que ceux qui, comme moi, restent fixes sur l’escalator sont censés être ceux qui se complaisent dans notre société, dixit Vincent Cassel dans La Haine), on débouche sur un grand Hall qui fait office de garde robes et de bar. Ici et là, des Danois, ou pas, à la tonsure clairsemée, sirotent leur verre de vin rouge, indifférants au fait qu’on soit en plein milieu de l’après midi, en déblatérant sur la pluie et le beau temps. Ils arrivent dans la salle, la vision un peu trouble, s’appuyant l’un contre l’autre et fleurant la vieille vinasse. Mais que ne ferait-on pas pour se sentir appartenir à la haute société ?

P1030607_1_Au bout d’un temps certain, j’ai fini par trouver mon siège, sur le 2ème balcon. La salle a été construite en une espèce d’ovale et les sièges font le tour de la pièce, si bien que l’on peut se retrouver soit dos au chef d’orchestre, soit face à lui. L’espace rappelle une ruche, il a été peint dans les tons orange, marron clair, avec des volutes qui font qu’on ignore si c’est le mur ou bien un trompe l’œil. Et puis, nous sommes tous autour de la scène comme des abeilles ouvrières autour de la reine.

La lumière s’est tamisée et le concert a commencé. D’abord se sont installés tous les musiciens, vêtus de noir, élégants, avec leur instrument couleur bois qui renvoie à la couleur des murs. Enfin le chef d’orchestre, très applaudi.

Je ne savais pas très bien si j’étais censée regarder les musiciens jouer pendant la durée de leur prestation ou s’il valait mieux fermer les yeux au risque que les gens autour de moi croient que je me suis endormie. Grave dilemme ! J’ai choisi de regarder, mais à chaque instant, concentrée sur le son que j’entendais, j’essayais désespérément de l’associer à l’instrument qui le jouait. J’ai réalisé à quel point j’étais inculte, instrumentalement parlant ! Comment différencier la note du cor de celle du tuba ou de la trompette et du trombone alors qu’on les connait à peine. P1030636_2_

Quant au chef d’orchestre, il m’a beaucoup amusée. Sa crinière blonde se soulevait comme un félin en furie, il gesticulait de ci, de là, faisant un mouvement avec une main, semblant réciter une formule magique avec sa baguette dans l’autre main, s’arrêtant, saluant et partant se cacher derrière la petite porte encastrée près de la scène.

Le premier morceau, le plus beau des trois, fut le Sacre du Printemps, dont la mélodie m’était familière puisque j’avais eu la chance d’aller voir le ballet.

P1030635Il y a énormément de choses de ce monde qui m’émeuvent mais fort peu passent réellement par la voie auditive. Je crois pouvoir énumérer les sons qui me touchent particulièrement : la mélodie d’un piano, la voix d’un(e) chanteur(euse) presque cassée qui expulse le son à pleins poumons comme si plus rien d’autre n’importait, et un bruit qui va paraître fort incongru : celui d’une personne qui mange. J’aime entendre le vacarme des mâchoires, imaginer les mandibules en action, sans jamais regarder la personne. Juste ce son et le fruit de mon imagination sur la façon de procéder. Cela me fascine, discrètement.

Et bien, grâce à ce concert, j’ai découvert à quel point il était plaisant d’écouter de la musique, jouée devant soi, sans qu’on soit distrait par rien. Cela procure une sensation étrange dans les oreilles, celle de la captivation et de la soumission devant la beauté. On se laisse emporter par les notes : quand elles sont tonitruantes on a une envie folle de se lever et de bouger en rythme, parfois on ressent une envie de rire de part la bizarrerie du son de tel ou tel instrument. Mais ce qu’il y a de plus remarquable c’est que ce genre d’évènement nous fait passer du sourire heureux à la tristesse imagée en quelques fractions de secondes. Ecouter cette musique m’a donné une furieuse envie d’écrire, que je n’avais pas ressenti depuis des jours, envie de traduire en mots cette avalanche de sensations qui nous envahit rapidement. Qu’il est pourtant difficile de se remémorer après coup l’ambiance, le ressenti.

P1030619_2_Au bout d’une heure et demie, toute cette mélodie a tout de même fini par me sembler absconde et je ne parvenais plus à discipliner mon esprit en permanence distrait. Que ne ferait-on par pour faire partie de la haute société ?!

Je suis toutefois satisfaite de m’être ramollie le cœur au travers de ces partitions magnifiquement déclinées.

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