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en terre Viking
2 décembre 2008

Christiania, jazz club

christiniaDimanche soir, nuit noire. La pluie a recommencé à tomber, une petite bruine bretonne. Il est 21h30 et je me dirige vers la station de métro. Ce soir, j’ai décidé d’aller faire un tour au « Woodstock », bar de jazz déglingué de Christiania. Arrivée deux stations plus loin, à Christianshavn, le petit port bobo, je me promène dans les rues mal éclairées. Je suis des personnes devant moi, quelque chose me dit que nous allons au même endroit. Nous traversons la route et arrivons devant l’entrée de Christiania, la ville libre. Il fait encore plus sombre et les allées ne sont pas pavées. Je dois faire attention à ne pas marcher dans les flaques d’eau qui parsèment mon chemin. La douce odeur de shit, caractéristique de l’endroit, me fait de nouveau croire que je ne suis pas à ma place ici. Mais après tout, cette ville s’offre à tous ceux qui osent y pénétrer. Je prends l’allée centrale, la seule allée où la boue ne recouvre pas tout.

christinia_2Et j’entre dans le jazz club. Des gens à l’air ahuri sortent au moment où j’arrive. Il fait rudement chaud là dedans, mes lunettes se couvrent d’une aveuglante buée. Je regarde la scène et retrouve les musiciens que j’avais quitté 3 semaines plus tôt. Un grand type, un peu gros, et à la lèvre supérieure proéminente qui chante au micro, la cigarette au bec. Le minuscule pianiste Costa Ricain avec son bonnet blanc enfoncé sur le crâne se déchaîne comme un beau diable sur son vieux piano noir. Derrière, un batteur et un bassiste. Et au milieu, un gars que je n’avais pas eu l’occasion d’entendre. Un trompettiste noir qui souffle à plein poumon dans son instrument marqué du sceau de la Nouvelle Orléans. C’est fou ce que la trompette est euphorisante.

Je trouve une place où m’asseoir parmi la foule et prends le temps de parcourir la salle des yeux. Il semble y avoir beaucoup d’étudiants étrangers, une bière à la main et qui discutent, ayant presque l’air de ne pas s’apercevoir de la musique. D’ailleurs, ici, tout le monde parle anglais, mêmes les musiciens. Il y a aussi des vieux loups de mer tatoués, aux cheveux graisseux. Et puis des filles qui dansent en riant avec des garçons aux habits bariolés. Devant la scène, les fans se délectent du concert. Les musiciens montent sur scène à tour de rôle. A présent, c’est un Africain à la physionomie d’un Malien qui joue du tam-tam tandis qu’un gars typé américain du sud chante chaleureusement en espagnol, la guitare sur les genoux. Un homme aux dreadlocks me sort de ma bulle en me faisant la conversation. Il s’avère qu’il est lui aussi juriste et qu’il étudie les droits de l’homme. C’est un Kényan qui m’assure que personne ne le croit quand il dit qu’il fait du droit, alors, il ne cesse de répéter que c’est un DJ de reggae pour ne pas choquer les autres. Il a l’air de connaître tout le monde ici et m’apprend qu’il s’essaie à la trompette. Mais la conversation s’avère bien difficile avec ce bruit et j’ai beaucoup plus de mal à capter les mots quand il s’agit de l’anglais. J’observe de nouveau autour de moi. On se croirait perdus dans une autre époque. Une époque où l’on avait encore le droit de fumer dans les bars, pour commencer. Ce qui est plus étonnant c’est qu’un écriteau sur les tables indique qu’il est interdit de fumer du ‘hash’ dans l’établissement. Le type au piano, par contre, a l’air d’être sous crack. Il fait d’étranges sourires et joue frénétiquement, bien que sa musique soit à peine perceptible à cause de la densité du son qu’émet la trompette. Au bar, on vend de la bière fabriquée à Christiania, une bière écologique. Entre le désordre, le lieu tout fait de bois et de déco artisanale, la musique et une population très peu conventionnelle qui s’est retrouvée ici, j’ai presque l’impression d’être dans une ambiance des années 1950-1960. L’utopie d’une vie où tout était permis, où la chaleur régnait dans les bars et où tous les gens se mélangeaient au rythme d’un jazz désordonné et joyeux. Un bar où il faut se faufiler à travers les diverses fumées de cigarettes pour se saluer, avant de refaire le monde entre deux bouteilles de bière. Tous les instruments se taisent et seul le pianiste reste. Il chante visiblement toujours la même chanson, mais sa voix, sa voix… Elle est incroyable. C’est fou qu’un si petit bout d’homme puisse avoir une voix qui porte autant, avec un timbre si triste et à la fois plein d’une gaieté sûrement artificielle : « You may say I ‘m a dreamer, but I’m not the only one...».

L’espace d’une soirée j’ai eu l’impression d’avoir passé un peu de temps sur la route de Kerouac.

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